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« SEUL ON VA PLUS VITE, ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN ».

Texte de Régine ALAUZEN
Publié le mardi 10 avril 2018 par Y.B

Merci à Régine ALAUZEN d’avoir bien voulu nous transmettre le texte qui lui a servi de socle lors de son intervention du 6 avril dans le cadre des vendredis de La Vanaude.

Rappelons que Régine est psychiatre à la retraite, elle est beaucoup intervenue en milieu hospitalier auprès des personnes âgées. Depuis 5 ans elle réside à Vanosc.

« SEUL ON VA PLUS VITE, ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN » .

*Les migrants ? Des précaires déracinés de leurs origines, et perdus dans nos manières culturelles de vivre, notre langue et nos valeurs…
- Comment tenter de nous rencontrer et nous enrichir réciproquement ? « La pauvreté n’est pas une maladie »
- Comment nous situer comme aidants, à travers les structures d’accueil où nous sommes engagés ? Prendre soin de l’autre jusqu’où ?

RAPPEL DES 10 RECOMMANDATIONS DE B. DUFFE (Beauregard Avril 2016)

- Vivre pleinement la première rencontre dans un regard attentif et bienveillant.
- Parler et expliquer ce qu’on essaye de faire, à toutes les rencontres
- Identifier les besoins
- Ne pas engager l’accueil en solitaire
- Prendre appui sur la complémentarité des rôles, fonctions et aptitudes
• entre groupes confessionnels ou non, entre municipalités polices et administrations
- Rester lucides sur les disponibilités des aidants et leurs limites
- Rester à l’écoute même si on a de la peine à comprendre, en se gardant de toute intrusion
- Avoir conscience du rapport au temps (entre impatience et durée)
- Nous savoir bénévoles et capables de retrait (risque d’épuisement)
- Nous rencontrer en équipes d’accueil régulièrement
Quelques aspects de la relation aidant-aidé, ou comment agir au bon endroit et au bon moment. ?
La véritable relation d’aide demande quelques précisions de langage. Elle s’exerce essentiellement dans l’écoute qui est la première des hospitalités.
1°) Ecouter pour mieux comprendre, afin d’agir à bon escient.
« La première hospitalité est celle de l’écoute quand bien même nous n’aurions ni feu, ni lieu, ni couvert. L’hospitalité est essentiellement réciprocité…Amer est le pain qu’on mange sans que la parole n’ait été partagée » J. FEDRY
Et il y a une hospitalité première des regards qui fait entrer dans l’histoire d’un autre, et nous libère pour entendre, et tenter de nous apprivoiser. Face au migrant l’alternative est radicale : ou on se verrouille pour se protéger ou on fait le choix du risque
*Mais combien il est difficile d’écouter vraiment !... Que de dialogues de sourds où chacun suit son idée et réduit la parole de l’autre à ses propres schémas, ou qui réduit la parole de l’autre, en étant ailleurs… Ecouter l’autre ce n’est pas coïncider avec lui ; une parole qui ne viserait qu’à se faire écouter est une parole de captation, et en aucun cas un dialogue.
*La parole nait du silence : un silence d’attention, d’accueil. Ecouter et parler s’engendrent mutuellement. C’est de tout son corps que l’on écoute, cette patience du corps tout entier, invité à lire sur le corps de l’autre.
*L’étranger, l’autre en souffrance, a en lui sa solution, mais il ne peut, ou ne sait pas comment l’exprimer. Et nous savons par expérience que ce qui n’est pas verbalisé est souvent le plus important...
*Mais chacun de nous a des capacités enfouies que nous ignorons, et elles ne seront jamais mises en œuvre si quelqu’un ne les sollicite pas. Dire à un autre : « Tu peux », avec honnêteté et confiance le fait naître à lui-même.
« Les vrais regards d’amour sont ceux qui nous espèrent » dit P. Baudiquet.
Ce qui implique que, dans la rencontre, nous soyons tout œil et toute ouïe, cœur et corps accueillants, tout en ayant conscience de nos propres limites et défenses. La conscience de notre impuissance nous oblige vite à les reconnaitre Alors, quel regard, et quel geste ? C’est à chacun de s’interroger.
* L’être de parole que nous sommes comme humain, n’a jamais fini d’apprendre à parler et à écouter, et aussi à apprendre à garder le silence,. (Savoir attendre pour mieux entendre, et entendre n’est pas forcément comprendre). « Donne-moi un cœur qui écoute » demandait Salomon.
*Persévérer dans l’écoute sincère de l’autre devient un chemin d’ouverture pour les deux .Alors les approches différentes ne sont plus des menaces et une relation peut s’instaurer dans l’estime et la confiance. Tout ne peut pas être dit d’emblée. L’écart douloureux entre la vie rêvée et la vie réelle, le besoin de retrouver du sens dans son histoire propre, est la marque de la dimension spirituelle de l’humain. Or, la grande souffrance a le redoutable pouvoir de faire se perdre le sens de la vie.
*l’effort de s’écouter jusqu’au bout libère la créativité dans les échanges. « L’important, disait René-Claude BAUD, (S.P) est de ne plus attendre de l’autre la confirmation de sa propre valeur » .Ainsi reconnaitre en l’autre ce qu’il y a de beau, de bon, de juste en lui, peut amorcer le dialogue, en faisant sortir chacun de soi- même.
Ailleurs Denis Vasse constate : « le malentendu en nous et entre nous, est la trace de la parole que nous refusons d’écouter » et la plupart du temps c’est ce qui touche à notre culture et à nos valeurs ou à nos principes de vie…

2°) AVEC RESPECT

* L’idée de respect évoque la retenue, la conscience de la valeur de l’autre dans sa différence et sa dignité fondamentale d’humain. Il est donc impératif de nous garder à la fois :
- d’attitudes ou de réactions de pitié où l’émotion domine
- de jugements hâtifs et d’interprétations faciles…
- ou de relation sans juste distance, qui peuvent devenir fusionnelles dans une compassion excessive : comme c’est le cas dans l’identification et la projection.
Trop souvent l’écoutant sait, ou croit savoir, ce qui est bon pour l’autre, et il se met en position de toute-puissance, et il en fait son affaire. Il s’identifie. L’écouté n’a plus qu’à se livrer impuissant et sans discernement, au jugement de l’écoutant. Quand l’aidé en prend conscience il réagit en résistant à cette forme d’emprise, et l’écoutant peut éprouver alors vexation ou déception, sans entendre ni comprendre l’origine de cette résistance.
La projection survient quand l’aidant se vit lui-même aux prises avec les peurs et angoisses de l’aidé, dans la situation qu’il imagine à sa place, dans le souvenir des peurs et angoisses qu’il a lui-même supportées sans pouvoir y faire face. Il se rend alors incapable d’écouter avec empathie.
3°) CREER DES LIENS
Créer des liens demande d’être disponible. Cependant avoir une activité définie dans un collectif, être occupé et responsable d’une partie du travail, désamorce la peur et permet en même temps une approche personnelle, dans la confiance et la patience. Il faut commencer par s’apprivoiser, et le repas partagé est un lieu privilégié pour ce faire…Exil et hospitalité marchent ensemble
L’expérience collective montre qu’ensemble nous pouvons balayer la désespérance, nous réconforter quand il le faut, et durer. Car le plus difficile c’est de durer. Tenir sa place, la découvrir et la vivre de manière la mieux ajustée possible sont les conditions d’un service adapté, qui se dévoile quand on joue le jeu de l’équipe, avec une supervision, si possible. Alors la relation se clarifie, elle permet de sortir de l’emprise ou de la fuite La compassion vraie se laisse interroger, et elle sait rester ferme quand il le faut.(Rappel des règles et du droit)
4°) S’exercer à la relecture
Relire son vécu en équipe en petit groupe est une pédagogie de progrès autant pour l’aidé que pour l’aidant. Elle permet de relativiser conflits et situations complexes, de supporter les échecs, et les inévitables déceptions, de prendre du recul quand la misère est accablante, ou que la volonté de l’aidé de s’en sortir, est mise en doute par le constat du réel ordinaire...
Pour ensemble entrer dans une réflexion plus élargie, et en guise de conclusion : je cite :
« La lutte contre la peur du migrant ne se fera pas sans débat public et argumenté avec ceux qui défendent encore un idéal d’assimilation, pour trouver de nouveaux modèles d’intégration ou d’inclusion. L’U.E devrait mettre en place des politiques de justice globale et inventer des contributions plus efficaces au développement économique , mais aussi humain des Etats en difficulté…en participant à l’amélioration de la qualité de vie des pays où le niveau et l’espérance de vie sont tragiquement bas pour fixer sur place une partie de ceux qui n’ont d’autre issue que de migrer . Le migrant a des droits humains, nous lui devons de garantir des îlots d’hospitalité inconditionnelle, au sein notamment du dispositif d’hébergement d’urgence.
« Pas de solution durable sans gouvernance mondiale… C’est parce que nous connaissons les autres que nous pouvons vivre en paix à leurs côtés .Plus on se fréquente, plus la conscience affirme qu’il est possible de cohabiter sans perdre sa propre identité. Aujourd’hui il faut monter en puissance le très local et le très international… Ceux qui ont, devront consentir à redistribuer leurs richesses Une révolution du partage qui devra (sans doute) se faire d’abord en chacun.
(Bertrand BADIE, prof. Sciences Po) « En quête d’alternatives » Ed La découverte
L’existence et le drame des migrants nous invitent à une sérieuse révision de notre manière de croire et de vivre, sur le plan de la pensée comme celui de l’action. Ne nous berçons pas de l’illusion que ce phénomène sera passager. Aucun mur ne pourra l’arrêter. « L’émigration est pour eux une tentative de fuir le pire pour le meilleur, d’aller de leur faim à notre assiette »…Les pauvres ne restent plus chez eux, las d’attendre les bienfaits d’une justice internationale que les pays riches sont incapables d’établir .Ils émigrent au prix de risques extrêmes et s’invitent eux-mêmes à notre table. Tant que nous ne serons pas capables de leur donner de bonnes raisons de rester chez eux, il faudra nous en occuper chez nous. Et le Pape François nous dit gravement : « L’Europe peut-elle continuer à se fermer sur elle-même, dans son bien-être, devant une Méditerranée en flammes, et une Afrique sub-saharienne à bout de souffle ? » Bernard SESBOUE, s.j Théologien
Migrations : Christus N° 253 janvier 2017

Pour le chrétien, l’accueil et la solidarité envers l’étranger ne constituent pas seulement un devoir humain d’hospitalité mais une exigence précise qui découle de la fidélité même à l’enseignement du Christ. L’intérêt national est un objectif, mais il ne peut être le critère ultime des choix politiques. Il y va de l’universalité de l’Eglise. Celle-ci ne conteste pas aux Etats le droit de gérer les entrées sur leur territoire. Ce qu’elle conteste, c’est que les critères d’admission soient fixés en considération du seul intérêt national, et non du bien universel.

LA CULTURE : Définition de l’UNESCO

« La culture est l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social .Elle englobe outre les arts et les lettres les modes de vivre ensemble, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs les traditions, et les croyances.
Par la culture nous discernons les valeurs, et effectuons des choix ; par elle l’homme s’exprime, prend conscience de lui-même et se reconnait comme un objet inachevé »
La diversité culturelle est érigée par l’Unesco depuis le 2 nov.2001 au rang de :
« Patrimoine commun de l’humanité…aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l’ordre du vivant » Sa défense est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. ..La diversité humaine est la manifestation concrète de l’extraordinaire profondeur de l’homme. Encore faut-il la comprendre et la préserver pour la noblesse de leur commune humanité » Pierre GIRE
La notion d’Universel émerge de l’expérience de tous les peuples du monde affirmant chacun son identité. Et loin d’entraver la communion dans les valeurs universelles qui unissent les peuples, les particularités culturelles favorisent cette notion d’Universel.
Nous avons gardé en nous –mêmes le milieu dont nous sommes issus. Notre corps raconte l’histoire de nos origines, dit Joël de ROSNY (biologiste).
Chaque peuple apporte avec lui un supplément d’altérité au festin de l’Univers. La diversité culturelle est un fait historique, théologique, socio-anthropologique, psychosociologique. Elle n’est pas une fin en soi. Par delà la diversité, il faut avoir le souci de la cohésion sociale et respecter l’identité des peuples et des nations, tout en renforçant leur coopération au profit du Bien commun et de l’Humanité entière.
La culture, comme l’identité, n’est pas statique, elle est évolutive et peut recevoir de nouveaux affluents. Nous avons besoin aujourd’hui d’une philosophie de l’unité, entre diversité et cohésion.
Joseph YACOUB UCLY

DYNAMIQUES DE LA MIGRATION

Le problème du rapport entre migration, culture et civilisation repose sur un malentendu : la perception du migrant uniquement comme un facteur économique …L’identité culturelle et religieuse du migrant, perçu initialement comme force de travail et outil de production, est souvent ignorée ou occultée. Mais cette identité profonde progressivement émerge et se manifeste dans le temps long du vécu de la migration, avec ses dimensions culturelles, religieuses et ethniques. D’où la crise identitaire dans les sociétés d’accueil occidentales. Le dialogue interculturel devrait, dans ce contexte, faciliter par la valeur du pluralisme, un changement de paradigme, de l’image du migrant comme outil économique à sa reconnaissance comme force de transformation interculturelle des sociétés d’accueil. La montée de l’extrême droite et la « sortie du bois » du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et de la xénophobie sont donc des signaux de mutation profonde, d’accouchements douloureux de nouvelles identités plurielles. Les migrants sortent progressivement de l’invisibilité sociale et du silence historique et culturel.( Doudou DIENE)


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