La terre, les gens
Fin observateur, quand il parle des gens d’ici, de leur rapport au temps, aux saisons, au labeur, François se situe dans la lignée des fameux vers de Hugo :
« Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours. »
Dans souvenirs d’enfance à Vanosc, François écrit avec justesse :
« Sur les murets montés jusqu’à l’orée du bois
J’y ai vu le courage des hommes
Et la fatigue des pierres.
Dans l’eau glacée des lavoirs
J’ai mesuré l’énergie des femmes
Et la lassitude des draps »
Son attachement sincère et viscéral à son cher petit village n’est pas sans résonner avec Du Bellay qui préfère le séjour qu’ont bâti ses aïeux aux palais romains –au- front audacieux … et qui a hâte de revoir son petit village angevin.
Au passage, ce poète a été récemment chanté par un jeune Ridan, français d’origine algérienne, qui a, avec talent, prolongé le texte du XVIème…
Dans des textes comme Gustine , Célarié , et d’autres on retrouve des sensations, des émotions qui rappellent avec bonheur les écrits de Jean Carrière, l’auteur de « l’épervier de Maheux »… et d’un morceau d’anthologie dans "Joseph, Noémie, Célestin et autres paysans de l’Ardèche"...
Le militant
L’autre versant de François, son adhésion aux vraies valeurs républicaines, le souci et le respect des autres, a été nourri par ce qu’il a vécu dans son village mais aussi dans sa profession d’éducateur, militant infatigable des droits de l’Homme, pour un monde plus juste… " L’homme énigmatique ", un vanoscois, « A la rue », "Clandestin " en témoignent…
Les événements récents ne l’ont naturellement pas laissé insensible, « Après le 13 novembre » ou « Qu’a-t-on fait de l’esprit des Lumières ? » dénoncent la violence, l’obscurantisme et en appellent à la raison et à la tolérance.
L’amour, les sentiments, la famille, le bonheur, les émotions simples, la vie tout simplement... Francois croque tout cela à pleines dents avec des mots toujours bien choisis, du rythme, des figures de style, il manie bien l’oxymore… « la hâte ralentie » de l’homme énigmatique est de bon aloi…
Le brio de Gavroche
Alexandra et Patrick ont entrecoupé les lectures de François par de belles chansons parfois adaptées , parfois de leur production, parfois inspirées de poètes tel Baudelaire… leurs voix se complètent à merveille
Là aussi le talent était au rendez-vous…
Une soirée agréable, à l’instar « des instants volés au grand vacarme de la vie » comme disait Ferrat…
Merci à François, Alexandra et Patrick et merci à Jean Dentressangle qui a bien voulu entonné l’hymne local « Vanosc la belle » en guise de conclusion…
A noter qu’en dédiant cette soirée à Maurice Mathevet, son conscrit François a touché toutes les personnes qui ont connu et apprécié Maurice qui aurait aimé être là…
- Patrick
- Alexandra
- Jean interprète "Vanosc la belle"... of course...
Poèmes de François PAIN.
UN HOMME ENIGMATIQUE
Encor jeune et pourtant on l’appelait « mémé »
Régis apparaissait aussi vieux que le temps
Il allait, repassait continuellement
A travers les sentiers, son regard renfermé
C’était un homme étrange habillé tout en noir
Son front était brûlé ou peut-être malpropre
Ses souliers écornés, sans vraiment d’amour-propre
Il portait sur son dos un sac de désespoir
L’orgueil de vivre obscur, il se hâtait toujours
Surgissant de derrière un buisson abondant
Et apeurant souvent bon nombre de quidams
Surpris sur son chemin quelque soit leur bravoure
Régis était aussi connu pour son adresse
Sa hâte ralentie, il savait réparer
Une horloge comtoise en panne avérée
Une montre gousset montrant quelque paresse
Il marmonnait pour dire à son client d’un jour
Ses contrariétés et le coût justifié
De la réparation de la chose confiée
Avec moult manigances oubliant les débours
Son regard disait rien sur les carreaux du temps
Même si son veston avait couleur du deuil
Sa besace toujours nous faisait un clin d’oeil
Comme pour signifier son aspect envoûtant.
Le 02/08/2016
CLANDESTIN
Je vous parle d’un gars qui jamais ne sommeille
Tant la peur et le froid le maintiennent en éveil
Il s’appelle Khaled, son nom ne vous dit rien
Arrivé récemment de son pays, Syrien
Le flot de son passé inonde son esprit
La guerre et l’angoisse l’ont grandement meurtri
Il a laissé là-bas trois frères et deux soeurs
Sous les bombardements, le tir des oppresseurs
Durant sa traversée, étrange passerelle
Il a dû supporter les morsures du sel
Affronter les vagues, lutter contre le vent
Alors que le bateau prenait l’eau par l’avant
Une peur glaciale s’est alors infiltrée
Comme le souvenir de pirogues éventrées
Déferlant dans sa tête et venant en écho
De cousins bien connus qui sont morts illico
Débarqué sur l’île de Pantelleria
Khaled comprend qu’il est personna non grata
Lui qui rêvait portant de sol européen
Pour pouvoir ériger de nouveaux lendemains
Pendant près de trois mois, il reste séquestré
Dans un centre d’accueil propre aux sinistrés
Il tentera trois fois de passer la frontière
Pour arriver en France et s’en trouver très fier
Aujourd’hui, il est là, présent dans cette ville
Errant un peu partout en quête d’un asile
Comme un renard traqué, il reste sur ses gardes
Il se méfie des flics de peur qu’ils le brocardent
Enserrant sa colère au fond de la poitrine
Il se cache il a peur et son espoir décline
Il souhaiterait tant un titre de séjour
Pour échapper ainsi au possible retour
Si dès lors en flânant, vous êtes amené
A rencontrer ce gars, vous le reconnaîtrez
Ses grands yeux noirs implorent un peu de bienveillance
Consacrez-lui du temps et gagnez sa confiance
Les nuages pesants, remplis de tant de maux
Chaque jour un peu plus lui font courber le dos
C’est un gars harcelé qui jamais ne sommeille
Mais il compte sur vous pour être son soleil.
Le 21/11:14
CELARIE
Célarié, tes maisons ont sombré dans les saisons de l’oubli.
Elles portent l’ennui d’un vieux souvenir
Même la clarté du jour s’y perd
Est-ce les ronces et les genêts qui les écrasent de leur fatigues
Ou la courbature des hommes partis ?
Les prairies alentours se sont enveloppées dans les bois.
Les rêves des Anciens veillent sur leur passé
Une odeur fanée flotte...
Trace piétinée d’un arrière-goût d’enfance...
18/01/2016
GUSTINE
Elle se tenait assise sur un tronc d’arbre au bord du chemin.
Tout près, les feuilles du sorbier tremblaient de tendresse et de pudeur
sur son corps frêle, gagné par l’ombre.
Son visage, froissé par les morsures du temps
semblait quelque peu détaché.
Elle était silence. Elle était oubli.
Derrière elle, son chien nommé « Comme-vous » semblait lui-même rêver
le museau reposé sur ses pattes avant allongées.
Un peu plus en amont, près des lilas, cinq chèvres broutaient à l’orée du pré.
Entre ses mains traversées par tant d’années, elle tenait une canne
presque aussi fatiguée qu’elle.
A ses pieds, un panier en osier où quelques noix occupaient le fond.
Gustine avait depuis longtemps répudié ses souvenirs.
Si ses yeux n’exprimaient plus d’attente, ses rides exhalaient des années de labeur.
Son bonheur, à présent, était fait de petits riens qu’elle partageait avec « Comme-vous »
Du pain, des pommes de terre, de la tomme...suffisaient à son quotidien.
Gustine, immobile, regardait les nuages s’étirer dans le ciel
et demeurait là, comme attachée à cet arbre mort, attendant que le soir tombe.
Elle était silence.
Elle n’est plus oubli, à présent qu’elle habite là sur cette prairie de mots...
Le 05/10/2015
APRES LE 13 NOVEMBRE...
Après s’être attaqués à la libre expression
Ils voulaient maintenant juguler nos valeurs
Paris s’est tue hier soir dans l’exténuation
Due aux actes inhumains commis par des traqueurs
On les connaît si bien tous ces fous de Allah
Voyous dans les cités et prêcheurs déguisés
Prônant l’obscurantisme comme un apostolat
Et réduisant les femmes à des corps abusés
France trop d’inculture occupe encor ton sol
Il t’appartient dès lors d’apporter la lumière
Aux enfants ignorants qui n’ont pas de boussole
Et qui croient mutiler nos valeurs par la guerre
La plaie qui sur nous tombe a endeuillé nos murs
Paris saigne aujourd’hui mais ne cédera pas
Relèvera le front le verbe pour armure
Fera taire la peur et tous leurs bazookas
Allons enfants du Bataclan relevez-vous
Occupez les bistrots les terrasses à l’envi
Retournez aux concerts j’entends que l’on y joue
Ne vous refusez rien et surtout pas la vie.
Le 14/11/2015
VANOSC RENOUVEAU
Ici le vent ôte des feuilles aux habitudes
L’astre ardent a légué quelques grains de lumière
Les associations vivent sans inquiétude
La Vanaude, à l’esprit, est mère nourricière
Vanosc a su enfin reconnaître les siens
Moissonner son histoire et la rendre visible
Eriger un musée à la gloire d’un ancien
Utile évocation, mémoire transmissible
La pureté de l’air débride les consciences
Fruits du désir naissant ou boutons de la fleur
Les jeunes restent ici, se sentent en confiance
Vanosc s’agrandit, merci à ses semeurs
Je suis de ce village qui renaît dans sa chair
L’esprit qui s’y dégage doit nous rendre plus fiers
Je suis né dans un bourg qui renaît dans son âme
Que battent les tambours, qu’aujourd’hui on l’acclame.
Le 30/01/15